Non prouvé: aucune certitude que 38% des cas de cancer du sein sont causés par les contraceptifs hormonaux                                                                                                                                                                                                                                                                           

L’affirmation selon laquelle, les pilules contraceptives, les implants et les stérilets qu’utilisent les femmes causent le cancer de sein ne se fonde sur aucune vérité scientifique

Une vidéo publiée sur Tiktok laisse croire que les méthodes de contraception utilisées par les femmes sont cancérogènes. Elles seraient la cause de 38 % des cas de cancer du sein chez les femmes. 

La vidéo d’une durée de 2 min 24 secondes a été publiée le 5 juin 2024 par le compte Tiktok “Nadegeteamvitorieusemra”.

Capture d’écran de la publication sur Tiktok

La narratrice affirme que 38 % des cancers du sein proviennent des pilules contraceptives, des implants et des stérilets. “Tous ceux qui n’ont pas encore eu ce problème de cancer du sein, je vous demande pardon d’arrêter de prendre ces pilules ou les stérilets et d’arrêter de mettre les implants. Moi-même, je m’en vais prendre des rendez-vous pour enlever mon implant, parce que ça me fatigue…”, explique-t-elle. 

Visionnée 171 000 fois, la vidéo a été aimée par 8 632 personnes et commentée par 228 personnes à la date du 25 juin 2024.   

Mais attention, ce chiffre avancé par l’auteure de la vidéo n’est basé sur aucune preuve.   

Cancer du sein: causes et traitement  

Contactée le mardi 25 juin 2024 par la rédaction de Togocheck, l’auteure de la vidéo n’a pas répondu à nos sollicitations. 

Une recherche avec des mots clés nous a conduit à une publication de l’assurance maladie en France Ameli.

Capture d’écran de la publication sur le site Ameli.fr

Elle indique que le cancer du sein est la tumeur maligne la plus fréquente chez la femme. Dans 95 % des cas, il s’agit d’un adénocarcinome, un type de cancer qui se développe à partir des cellules d’une glande, de son revêtement ou d’une muqueuse. Il représente 33 % des cancers de la femme. Près de 80 % des cancers du sein se développent après 50 ans.

Le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS a réalisé une étude sur le cancer du sein en Afrique subsaharienne titrée « Cancer du sein en Afrique – Disparités dans les issues » (ABC-DO pour AfricanBreast Cancer – Disparities in Outcomes). Selon les résultats de cette étude publiée en mars 2023, en Afrique subsaharienne, le cancer du sein  est, chez les femmes, le cancer le plus fréquent, avec 129 000 femmes nouvellement diagnostiquées en 2020. 

Capture d’écran des résultats de l’étude

Dans cette région, une femme sur deux à qui l’on a diagnostiqué un cancer du sein décède au cours des cinq années suivant le diagnostic, contre une Afro-Américaine sur cinq et une femme blanche sur dix aux États-Unis. 

L’Organisation mondiale de la Santé relève, dans une note publiée le 13 mars 2024, les facteurs qui accroissent le risque de cancer du sein. Il s’agit notamment de l’âge, de l’obésité, de l’abus d’alcool, des antécédents familiaux de cancer du sein, une exposition aux radiations, les antécédents gynécologiques (l’âge au moment des premières règles et à la première grossesse, par exemple), le tabagisme et un traitement hormonal postménopause. Elle souligne que près de la moitié des cancers du sein touchent des femmes qui ne présentent aucun facteur de risque particulier autre que le sexe (féminin) et l’âge (plus de 40 ans).

Le risque est accru en cas d’antécédents familiaux de cancer du sein, mais la plupart des femmes diagnostiquées n’ont pas d’antécédents familiaux connus. Leur absence ne signifie donc pas nécessairement que le risque soit moindre.

En ce qui concerne les signes et symptômes, l’OMS ajoute que dans un premier temps, le cancer du sein est asymptomatique chez la plupart des malades. La détection précoce est donc fondamentale. 

L’Organisation précise qu’à des stades plus avancés, le cancer du sein peut provoquer une association de différents symptômes. Ces derniers sont notamment  : une masse ou un épaississement dans le sein, souvent indolore  ; un changement de la taille, de la forme ou de l’apparence du sein ; des fossettes, des rougeurs, une peau d’orange ou d’autres changements cutanés; une modification de l’apparence du mamelon ou de la peau qui l’entoure (aréole); un écoulement mamelonnaire anormal ou sanglant.

La Fondation pour la recherche médicale assure que la prise en charge des patients dépend des caractéristiques de la tumeur et de son extension. 

L’OMS énumère trois types de traitement.

Types de traitement proposés par l’OMS

Il s’agit de la chirurgie pour éliminer la tumeur  ; de la radiothérapie pour réduire le risque de récidive dans le sein et les tissus environnants   ; et enfin des médicaments pour tuer les cellules cancéreuses et éviter la propagation (thérapies hormonales, chimiothérapie ou thérapies biologiques ciblées notamment). Elle ajoute que les traitements contre le cancer du sein sont plus efficaces et mieux tolérés lorsqu’on les commence tôt et qu’ils sont suivis jusqu’au bout. 

L’organisation explique que la chirurgie peut consister à éliminer uniquement le tissu cancéreux (tumorectomie) ou le sein entier (mastectomie). Les ganglions lymphatiques peuvent être aussi éliminés, afin d’évaluer la capacité de propagation du cancer. Pour sa part, la radiothérapie est dirigée contre les cancers résiduels microscopiques qui restent présents dans le tissu mammaire et/ou les ganglions lymphatiques. Elle permet de réduire au maximum le risque de récidive du cancer sur la paroi thoracique. L’OMS souligne que les médicaments utilisés pour traiter le cancer du sein sont choisis en fonction des propriétés biologiques du cancer déterminées par des tests spécifiques (détermination du marqueur tumoral). 

Liens entre les méthodes contraceptives et le cancer du sein

D’autres recherches par mot clé nous ont permis de trouver une étude publiée en 2005 par le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS. Elle rapporte que l’utilisation de contraceptifs oraux combinés est responsable d’une légère augmentation du risque de cancer du sein. Elle ajoute toutefois qu’ils exercent un effet protecteur contre les cancers de l’ovaire et de l’endendomètre. 

Le site de l’Institut National du Cancer en France, E-cancer, cite une expertise du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) menée en 2005 et actualisée en 2012. D’après cette expertise, les pilules combinées entraîneraient une légère hausse du risque de cancers du sein, du col de l’utérus et du foie. Un usage sur une longue période de la pilule fait légèrement augmenter le risque d’un type de cancer du foie appelé carcinome hépatocellulaire chez les femmes dont le risque d’être atteintes d’une hépatite B est faible.

Pour sa part, l’Institut du sein Henri Hartmann souligne dans une publication du 26 juin 2019  que le lien entre la prise de pilule contraceptive et l’augmentation des risques de développer un cancer du sein est encore mal connu. Le constat fait état d’un risque de cancer du sein élevé chez les femmes prenant ou ayant pris la pilule contraceptive. Ce risque augmentait tout au long de la durée du traitement. L’institut cite aussi le Centre International de Recherche sur le cancer (CIRC) qui a catégorisé les contraceptifs œstroprogestatifs – oraux ou non – parmi les produits cancérogènes. 

Une étude publiée le 21 mars 2023 par la revue scientifique Plos Medicine indique qu’il y a une augmentation relative d’environ 20 % à 30 % du risque de cancer du sein associé à l’utilisation actuelle ou récente de contraceptifs combinés par voie orale ou à progestatif uniquement.

Vue partielle de l’étude

Le directeur de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et chercheur en épidémiologie des cancers, Pascal Guenel a précisé dans un article publié le 22 mars 2023 par le magazine de vulgarisation scientifique, Sciences et Avenir que le lien entre contraception hormonale et cancer du sein est établi.  En 2015, le CIRC avait classé la pilule contraceptive comme produit cancérogène de “groupe 1”. Ce qui signifie que ses risques étaient avérés dans le cadre du cancer du sein.  

Une communication scientifique publiée le 23 mars 2010 par l’Académie nationale de médecine française relève que la contraception hormonale est contre-indiquée en cas d’antécédents de cancer du sein ou de l’endomètre. 

The new england journal of medicine a aussi publié le 7 décembre 2017 une étude qui fait savoir que le risque de cancer du sein était plus élevé chez les femmes qui ont actuellement ou récemment utilisé des contraceptifs hormonaux contemporains. Il est plus élevé que chez celles qui n’en avaient jamais utilisé. La revue médicale ajoute que ce risque a augmenté avec des durées d’utilisation plus longues, cependant les augmentations absolues du risque étaient faibles. 11 517 cas de cancer du sein ont été recensés au cours de cette étude, parmi 1,8 million de femmes suivies en moyenne pendant 10,9 ans (soit un total de 19,6 millions de personnes-années). 

Le magazine Québec Science est revenu sur cette étude dans un article publié le 11 décembre 2017 relevant que la prise de contraceptifs hormonaux augmente globalement de 20% le risque de cancer du sein. Ce risque s’accroît même de 38% chez les femmes qui prennent la pilule depuis plus de 10 ans par rapport à celles qui ne l’ont jamais prise. 

La représentation de l’OMS au Togo interrogée sur le sujet affirme n’avoir pas connaissance des 38% des cas de cancer du sein causés par les méthodes contraceptives. Elle souligne que l’Organisation n’a pas mené une étude récente ayant abouti à ce résultat. 

Selon les explications du président de l’ordre national des pharmaciens du Togo, Docteur Tufa Yawo Nyasenu, affirmer que le cancer du sein est causé par les contraceptifs hormonaux est exagéré. Cependant, ils peuvent constituer un facteur de risque en causant un processus de dérèglement hormonal. 

Pour sa part, Docteur EGAH Kodjo, gynécologue obstétricien, explique que les risques majeurs du cancer du sein sont le tabac, l’alcool, la mauvaise alimentation, les perturbateurs endocriniens et surtout si un membre de la famille a déjà le cancer, que ce soit du côté du père ou de la mère. Les risques liés aux méthodes contraceptives sont très infirmes. 

Implant sous-cutané progestatif

Selon l’encyclopédie médicale Vidal, l’implant contraceptif est un bâtonnet, de 2 mm de diamètre et de 4 cm de long. Il délivre en continu une faible dose d’un progestatif, l’étonogestrel. Il a une durée d’action de trois ans et peut être retiré à tout moment.   

Un extrait des mises à jour en gynécologie médicale publié le 29 novembre 2006 fait remarquer que la contraception progestative ne semble pas avoir d’effet protecteur sur le sein, sans pour autant augmenter significativement le risque mammaire.

Pilule contraceptive 

La pilule contraceptive permet de prévenir la grossesse. Un document du département de santé publique d’Ottawa au Canada indique qu’elle a un taux d’efficacité de 91%. La pilule empêche les ovaires de libérer un ovule à chaque mois (ovulation). Si les spermatozoïdes ne trouvent pas d’ovule à féconder, il n’y a pas de grossesse possible.

En se référant à l’étude publiée par The new england journal of medicine, Docteur Eric Sebban, chirurgien gynécologue et cancérologue confirme qu’il existe une corrélation entre la pilule contraceptive et le cancer du sein.

Vue partielle de la publication sur l’étude

“ Les auteurs de cette étude en sont donc venus à la conclusion que la prise d’une contraception hormonale augmentait le risque de développer un cancer du sein d’environ 20 %. Ce risque est exponentiel et grandit avec l’allongement de durée d’utilisation de la pilule contraceptive (risque évalué à 9 % après un an de prise, 38 % après 10 ans de prise). Par ailleurs, les scientifiques signalent un risque augmenté même après l’arrêt définitif du contraceptif hormonal (pendant 5 ans ou plus)”

Stérilet

Pour le Centre hospitalier de l’Université de Montréal, le stérilet est un objet en plastique ou en cuivre qu’on peut introduire dans l’utérus. En forme de T, il est relié à un fil qui sort du col de l’utérus. On distingue le stérilet avec hormone et sans hormone. Le premier est efficace à 99,8 % et doit être changé tous les 3 à 5 ans selon le modèle. Le second l’est à 98,5 % et doit être changé tous les 3, 5 ou 10 ans selon le modèle. 

Selon la fédération hospitalo-universitaire et de recherche américaine Mayo-Clinic, il existe des preuves selon lesquelles les types de contraception hormonale augmentent le risque de cancer du sein. Il s’agit notamment des pilules contraceptives et des dispositifs intra-utérins (DIU) qui libèrent des hormones. Mais le risque est très faible. Et il diminue après que vous arrêtiez d’utiliser une contraception hormonale.

Recommandations 

Pour prévenir le cancer du sein, Mayo-Clinic recommande de limiter la consommation d’alcool ou de l’éviter. Il faut maintenir un poids santé en faisant des activités physiques ou en augmentant progressivement la quantité de ses exercices. L’allaitement maternel pourrait aussi jouer un rôle dans la prévention du cancer du sein. Il faut limiter le traitement hormonal après la ménopause, arrêter de fumer  et avoir une alimentation saine. 

Pour conclure, l’affirmation selon laquelle, les pilules contraceptives, les implants et les stérilets qu’utilisent les femmes causent le cancer de sein ne se fonde sur aucune vérité scientifique. D’après les recherches, des études évoquent plutôt une augmentation des risques. Par ailleurs, nulle part dans les recherches effectuées,  on a trouvé les 38 % des cas de cancer du sein causés par les méthodes contraceptives utilisées par les femmes dont fait mention l’auteure de la vidéo Tiktok.  

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