Des citoyens ghanéens auraient-ils incendié tous les véhicules venant du Burkina Faso ? Non !

Des citoyens ghanéens auraient-ils incendié tous les véhicules venant du Burkina Faso Non !

Une vidéo de dix secondes, accompagnée d’un message diffusé sur TikTok, prétend montrer des véhicules en provenance du Burkina Faso brûlés par des citoyens ghanéens. Le message exprime son inquiétude quant à l’absence des forces de défense VDP du Burkina Faso sur le lieu du drame.

Publiée le 14 septembre 2025, par le compte tiktok @djibode.franco, la vidéo est titrée: “ Urgent :  Les Ghanéens brûlent toutes voitures provenant du Burkina Faso, l’armée Burkinabė est où ? les VDP sont où ?

Capture d’écran réalisée le 17/10/2025 de la publication sur le compte TikTok @djibode.franco″

Elle semble illustrer une scène de riposte probablement liée à un conflit. On y aperçoit un véhicule et des pneus en feu, certains disposés comme des barricades. Au premier plan, plusieurs motos sont garées, tandis qu’en arrière-plan, des passants observent la scène sans intervenir. On distingue également des camions stationnés, des bâtiments et des poteaux électriques, indiquant que l’événement se déroule dans une zone habitée.

La vidéo visionnée plus de 993.500 fois au 10 octobre 2025, cumule 17.000 mentions j’aime et plus d’un millier de partages. Le compte de l’auteur totalise à la même date 9970 Suivis, 108.600 abonnés et 370 000 J’aime. La publication est largement relayée sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et TikTok, accompagnée de commentaires variés. 

Quelques commentaires des internautes en dessous de la vidéo / Capture d’écran réalisée le 17/10/2025 de la publication sur le compte TikTok @djibode.franco″

Pour certains internautes, il s’agirait de l’enlèvement d’une femme influente de la société civile burkinabè à la frontière ghanéenne, par des Forces de Défense et de Securité burkinabè. Pour d’autres, la scène illustrerait la vive colère de routiers ghanéens à la frontière Burkina-Ghana. Enfin, certains évoquent une attaque menée par les Volontaires pour la Défense de la patrie au Burkina-Faso contre des jeunes ghanéens, qui auraient riposté en incendiant le poste – frontière burkinabé.

Faits réels, mais message trompeur

L’équipe de Togocheck a contacté l’auteur de la publication le 29 septembre 2025 via TikTok, sans obtenir de réponse.

D’après nos recherches, cette vidéo montre effectivement un incident survenu à la frontière entre les deux pays suite à l’enlèvement d’une citoyenne burkinabè vivant au Ghana, par des hommes venus du Burkina Faso. Une recherche inversée d’image effectuée à partir de captures d’écran de la vidéo n’a pas permis d’en confirmer l’authenticité.

Cependant, elle a conduit à un reportage d’1 minute 21 secondes publié sur la chaîne YouTube Afrique-Liberté. Le reportage intitulé “Urgent/Burkina : La vérité sur la colère des Ghanéens contre IB, la dame que les VDP ont enlevée” évoque l’enlèvement d’une activiste burkinabè engagée contre la junte ouest-africaine, accusée de servir les intérêts du néocolonialisme russe en Afrique de l’Ouest.
Mais il n’a été mentionné nulle part dans ce reportage que la population ghanéenne aurait incendié tous les véhicules provenant du Burkina Faso suite à cet enlèvement.

D’autres recherches ont permis de retrouver des médias au Ghana et des comptes sur Facebook et X, qui rapportent la même information en français et en anglais sur le kidnapping d’une femme à la frontière entre le Burkina Faso et le Ghana par des hommes armés de la régime burkinabé. Ces sources rapportent que les faits se sont produits dans la nuit du 13 au 14 septembre 2025. Selon un post en date du 14 septembre 2025 du média Home Radio 99.7 au Ghana, la femme enlevée est mariée à Monsieur “Zulkanai, un ressortissant burkinabé sur la liste recherchée du régime militaire au pouvoir du Burkina Faso sous le capitaine Ibrahim Traoré. Zulkanai et sa famille auraient cherché refuge au Ghana à la suite de l’instabilité politique récente dans leur pays d’origine ”.

La radio ghradio1 basée à Kumassi, relate que l’enlèvement a eu lieu à Hamile, village situé au nord du Ghana à proximité de la frontière avec le Burkina Faso avec la complicité d’un agent du Ghana Immigration Service. Ce dernier est accusé d’avoir aidé des hommes armés venus du Burkina Faso à pénétrer au Ghana pour enlever de force une burkinabè. Cet acte a provoqué la colère des habitants, qui ont brûlé des pneus devant le bureau de l’immigration pour exiger que l’agent leur soit remis. Toujours selon cette radio, au cours de la manifestation, une boutique de téléphonie appartenant à l’agent a été vandalisée, et son véhicule personnel incendié par la foule en colère.

Le Ghana Immigration Service rassure…

À la suite de ces événements, le service d’immigration du Ghana (Ghana Immigration Service – GIS) a publié un communiqué sur sa page Facebook le 15 septembre 2025 lié aux événements survenus au poste frontalier de Hamile.

Communiqué du Ghana Immigration Service publié sur Facebook le 15 septembre 2025 / Capture d’écran réalisée le 17/10/2025

Dans ce communiqué signé par le commissaire adjoint à l’immigration et responsable des relations publiques, Michael Amoako-Atta, le GIS a rassuré le public que la situation est désormais sous contrôle et le calme est rétabli grâce au soutien des agences de sécurité. Une enquête a été ouverte, et des mesures appropriées seront prises à la suite de ses conclusions. Le contenu de ce communiqué a été relayé par des médias et sites d’information au Ghana.

Un acte susceptible d’alimenter la méfiance

L’ expert en relations internationales professeur Kwame Agyenim-Boateng a critiqué les circonstances de cet enlèvement présumé avertissant que de telles actions pourraient tendre les relations entre le Ghana et le Burkina Faso si elles ne sont pas gérées correctement.

Intervenant dans l’émission matinale Asaase Breakfast Show de la radio Asaase, le 15 septembre, il a déclaré que l’implication présumée d’un agent d’immigration ghanéen dans la détention de l’activiste arrêtée n’était « pas légale » et n’aurait jamais dû se produire en dehors des processus internationaux établis.

Selon ses propos , “l’incident de l’enlèvement a un grand potentiel pour rompre la détente de longue date entre les deux pays voisins. Vous ne pouvez pas faire justice vous-même et dire : « J’ai vu la victime là-bas, alors je vais l’arrêter »” .

En définitive…

La vidéo qui prétend que les citoyens ghanéens ont incendié tous les véhicules en provenance du Burkina Faso est trompeuse. Les informations disponibles indiquent qu’il s’agit d’un incident isolé survenu le 13 septembre 2025 au poste-frontière de Hamile, en réaction à l’enlèvement d’une activiste d’origine burkinabè.

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