Lors d’un direct sur sa page Facebook, l’influenceuse ivoirienne, Coach Hamond Chic conseillait à ses suiveurs, notamment les femmes, de faire leur toilette intime avec de la Bétadine Jaune avant leurs rapports sexuels. D’après la coach, cette pratique permettrait d’améliorer la qualité des rapports sexuels et de lutter contre les infections génitales. Mais, selon les spécialistes de la santé, cette pratique peut se révéler dangereuse pour la santé de la femme.
La vidéo en question, d’une durée de 8 min 56 secondes est titrée « le secret de la bétadine». Publiée le 21 mai 2023 sur la page Facebook : «L’espace des caviars», au 22 mai, elle a été vue plus d’ 1 million de fois avec plus de 30 milles réactions et plus de 4000 commentaires.
Ce qu’on sait de la Bétadine
La Bétadine est un médicament présenté souvent sous forme d’un liquide de couleur rouille (1, 2, 3). Son principe actif, la povidone iodée, est constitué de molécules d’iode et de polyvinylpyrrolidone. Elle se présente sous plusieurs formules avec des utilisations et des actions différentes. Mais elle est utilisée principalement comme antiseptique local, antifongique ou comme désinfectant.
D’après une présentation de la « Gamme de médicaments Betadine» mise à jour le 16 mars 2023, Vidal.fr indique qu’il existe 4 types de Bétadine. Il s’agit notamment de « Bétadine bain de bouche ; Bétadine gel et pansement médicamenteux ; Bétadine gynécologique et Bétadine solution et compresse imprégnée ». Leur usage est également précis (ici, ici). Il varie en fonction de la zone du corps concernée et de l’affection traitée.
La «Bétadine Jaune» encore dénommée ‘’Betadine dermique 10 %’’, que recommande l’influenceuse dans la vidéo devenue virale, a pour principe actif, la Povidone iodée dosée à 10 g. Ce médicament renferme également d’autres composants dont du glycérol, de l’éther laurique, de macrogol (9), du phosphate disodique dihydraté, de l’acide citrique monohydraté, de l’hydroxyde de sodium et de l’eau purifiée.
Il est utilisé pour « Désinfecter les plaies et les brûlures superficielles, traiter des lésions de la peau et des muqueuses [ en tant que ] antiseptique précédant un acte chirurgical». Il n’a nulle part été mentionné qu’il peut-être utilisé par la femme pour faire sa tolette intime (1, 2). Par contre il existe la bétadine dédiée aux traitements gynécologiques et sur lequel il est marqué “solution vaginale”. Présentée dans un flacon bleu, elle est utilisée pour le « traitement local d’appoint des infections vaginales, et préparation vulvo vaginale avant un acte de chirurgie.»
Et comme tout médicament, sur les notices des différentes solutions de Bétadine que nous avons consultées, son dosage et son utilisation doivent se faire sur avis médical. Vidal précise d’ailleurs que l’utilisation prolongée du produit peut agir sur le bon fonctionnement de la glande thyroïde, notamment à cause de la présence d’iode.
« L’utilisation de la solution gynécologique Bétadine 10% nécessite un avis médical préalable, et il est impératif de respecter strictement l’ordonnance et les indications de votre médecin (…) Ne pas utiliser la Bétadine 10% en solution vaginale de façon prolongée. En effet, l’iode de ce médicament peut traverser la muqueuse et passer dans la circulation générale, notamment lorsque les muqueuses sont fragilisées.», est-il recommandé dans la notice du produit.
Un conseil potentiellement dangereux
Les conseils de la coach ivoirienne ont suscité une vague de réaction sur la toile, notamment de la part des spécialistes de la santé. Et d’après leurs explications, en appliquant ce conseil, les femmes s’exposent à des risques et conséquences désastreuses pour leur santé sexuelle.
Dans une mise au point en date du 23 mai 2023 sur sa page Facebook, le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique de la Côte d’Ivoire indique que la Bétadine jaune est un antiseptique qui s’utilise sur la peau et non sur la muqueuse et qu’elle ne doit pas être utilisée lors des toilettes intimes parce que son PH n’est pas neutre.
« L’utilisation de la bétadine expose les femmes à des écoulements vaginaux ou pertes vaginales incurables à cause de la destruction de la flore vaginale par ce produit. Ces infections peuvent évoluer vers l’atteinte des trompes et des annexes pour aboutir à une stérilité.», précise le ministère.
Interrogée par Togocheck et NigerVerif, la gynécologue obstétricienne Togolaise, Docteur Amewoui Dédé Benedicta indique qu’il n y a aucune raison d’ utiliser un produit chimique pour faire sa toilette intime. D’après ses explications, « la bétadine est un antiseptique à base d’iode qui a pour rôle de désinfecter les plaies ou de nettoyer les zones à risque d’infection. Mais utiliser ce désinfectant pour faire sa toilette intime est déconseillé car cette pratique peut nuire à la santé. »
Attention, la flore vaginale est fragile
D’une part, un écosystème vaginal normal et sain est maintenu par des lactobacilles qui sécrètent de l’acide lactique et du peroxyde d’hydrogène, produisant un pH vaginal inférieur 4,5 (acide) qui protège contre la prolifération des anaérobies qui se développent dans un pH alcalin (élevé). D’autre part, l’association de la Bétadine (décrite par l’OMS comme un acide faible) avec des substances comme le péroxyde d’hydrogène est déconseillée. Ce qui rend ce produit potentiellement dangereux pour la santé intime de la femme (ici, ici).
D’après les spécialistes (ici, ici, ici), le vagin est tapissé de sécrétions claires qui le protègent des infections. Il est également protégé par des bactéries utiles, qu’il abrite naturellement (flore vaginale). Elles empêchent le développement de germes causant des maladies (ex. : bactéries ou champignons responsables d’une vaginite). Pour préserver cet équilibre, il faut éviter d’adopter une hygiène intime trop agressive par l’emploi de cosmétiques irritants entre autres. Ainsi, le vagin se nettoie naturellement seul, grâce à ces sécrétions vaginales naturelles.
Article produit conjointement par Togocheck et NigerVerif, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) dans le cadre d’un projet de jumelage entre initiatives francophones dans la lutte contre la désinformation.
