Aucune preuve que les sirop “Carbotoux” tuent en 5 minutes

Il est certes vrai que des lots de Carbotoux ont été rappelés dans divers pays, mais il s’agit plutôt d’une mesure visant à limiter les dangers que peuvent induire des produits contrefaits de mauvaise qualité qui ont été déversés sur le marché gambien. 
Flacon de sirop Carbotoux

Carbotoux, un sirop contre la toux, disponible entre autres sur le marché africain, causerait la mort en cinq minutes. Cette information est partagée à travers un message vocal en mina, diffusé dans des groupes WhatsApp. Et pourtant, cette information n’est pas avérée.

Que dit le message ?

Le message vocal dure 1 minute 43 secondes et est réalisé par une femme, s’exprimant en mina, une langue parlée au sud du Togo. D’après l’auteure, qui semble adresser le message à un membre de sa famille, l’information originale lui serait parvenue en kotokoli, une langue locale parlée principalement dans la région centrale du Togo. D’après ce message, le sirop Carbotoux, dont elle a joint l’image à la note vocale, serait empoisonné. Toute personne qui le prendrait mourrait après 5 minutes.

Capture d’écran du message vocal et de l’image partagés dans un groupe sur WhatsApp

Elle précise également que ledit sirop est fabriqué au nord Mali et disponible au Sénégal et au Niger. Mais elle n’a aucune assurance de la présence du produit au Gabon, où elle se trouve. Nous n’avons pas pu retracer l’origine de l’information ni réussi à identifier l’auteure.

Le message est accompagné d’une photo présentant le sirop Carbotoux, en flacon avec une étiquette jaune-blanc et son carton de conditionnement, également de couleur jaune. (Capture d’écran ci-dessus)

D’après les informations sur l’emballage, ce sirop est destiné au traitement des toux non productives chez l’enfant et l’adulte.

Que sait-on du sirop Carbotoux ?

“Carbotoux” selon nos recherches sur Google, est une marque de produits contre la toux. Elle est disponible sous forme de sirop en 3 versions principales reconnaissables à leurs couleurs: le rouge, le jaune et le bleu et sous forme de gélules. (Capture d’écran ci-dessous)

Capture d’écran des différentes versions de Carbotoux présentées sur le site du laboratoire cambodgien P.P.M.

Mais, contrairement à l’information donnée par la femme dans son message vocal, les sirops Carbotoux sont produits par le laboratoire cambodgien P.P.M. et non au nord du Mali. En effet, en observant la base du carton, on peut voir, en évidence le logo du laboratoire PPM. Et à la base du flacon, on peut lire : «Laboratoire PPM Address : No 138 Bis, rue 110, Chom Chao», qui est l’adresse réelle et officielle du Laboratoire PPM au Cambodge. (Captures d’écran ci-dessous)

Adresse PPM Cambodge sur le flacon Carbotoux (encadré en rouge), observable sur l’image partagée
Adresse du laboratoire PPM Cambodge indiquée sur le site internet de l’entreprise

Par contre, au Mali, il existe une structure privée dénommée « Pharmacie Populaire du Mali (PPM) », une chaîne de pharmacies présente au Mali, qui propose une gamme de produits pharmaceutiques et de services de santé à la population malienne. Elle n’est pas une usine de fabrication de médicaments, mais elle est chargée de l’approvisionnement en médicaments pour les structures de santé.

Carbotoux, un médicament toxique ? Pas vraiment !

Au Togo, afin de vérifier la présence du produit sur le marché, la rédaction a effectué des visites dans diverses pharmacies à Lomé. Et d’après les pharmaciens que nous avons rencontrés, le flacon à étiquette jaune du sirop Carbotoux montré dans le message n’est pas disponible en officine de pharmacie privée.

Les présentations du produit disponibles au Togo, sont d’une part le sirop conditionné en boites de couleur rouge pour les enfants et bleue pour les adultes en plus des gélules en boites de couleur bleue.

Ces informations sont confirmées à notre rédaction par le président de l’Ordre national des pharmaciens du Togo, Docteur Yao Tufa NYASENU, qui nous explique que le flacon jaune de Carbotoux n’est pas disponible dans les pharmacies au Togo.

Au Sénégal, une recherche avec les mots clés a permis de retrouver plusieurs articles publiés par des médias sénégalais (ici, ici, ici, ici) indiquant que les sirop Carbotoux ont fait l’objet d’un retrait temporaire dans le pays en février 2023. Ce retrait a été ordonné d’après ces médias par l’Agence sénégalaise de la Réglementation Pharmaceutique (ARP), dans une note en date du 20 février 2023.

D’après les précisions du président du Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, Docteur Assane Diop données à notre rédaction, ce retrait ordonné par l’ARP faisait suite à une alerte des autorités gambiennes qui ont découvert dans un lot de CARBOTOUX, des taux inacceptables de Diéthylène glycol, un produit toxique et nocif. Par contre, nos recherches n’ont révélé aucune information sur des victimes ou des décès liés à la prise de ce produit au Sénégal.

Selon nos recoupements, l’alerte mentionnée par Docteur Assane Diop a été lancée par l’Agence de contrôle des médicaments de la République de Gambie après avoir détecté un niveau élevé (0,12%) de diethylene glycol (DEG) dans le produit Carbotoux 250mg/5ml adulte sirop, lot n’21P1217, lors de sa récente étude de surveillance du marché.

Faisant suite à l’alerte lancée par les autorités sanitaires gambiennes, le laboratoire PPM a demandé la « mise de ce produit en quarantaine dans l’attente des investigations demandées à un laboratoire d’analyse spécialisé de Singapour ainsi qu’au Laboratoire national du Cambodge.» , indiquait Seneweb, dans un article en date du 23 février 2023.

Depuis lors, plusieurs pays comme le Cameroun, le Niger, la Côte d’Ivoire ou le Mali, entre autres, ont rendu public des communiqués annonçant la mise en quarantaine dudit produit.

Et toujours selon Assane DIOP, après investigations, l’ARP s’est rendu compte que les lots commercialisés au Sénégal répondent aux normes et que les produits signalés en Gambie provenaient d’une contrefaçon. Une information que confirment les Laboratoires PPM, précisant qu’ils « ne distribuent pas leurs produits en Gambie.»

Des décès d’enfants signalés en Gambie ?

Des recherches sur d’éventuels décès liés à la prise de Carbotoux en Gambie ont révélé des articles datant d’octobre 2022 selon lesquels 69 enfants auraient trouvé la mort en raison de la prise de produits pédiatriques contre la toux. Mais, le sirop Carbotoux ne figure pas parmi les 4 produits incriminés. Les analyses de ces produits à propos desquels l’OMS  a donné l’alerte ont montré une contamination par diéthylène glycol et éthylène glycol en quantités inacceptables.

Pour conclure…

L’information selon laquelle le sirop Carbotoux contient du poison et entraîne la mort de celui qui en prend dans les 5 minutes qui suivent est Fausse. Aucune preuve n’a été trouvée confirmant que ce produit a causé des décès.

Il est certes vrai que des lots de Carbotoux ont été rappelés dans divers pays, mais il s’agit plutôt d’une mesure visant à limiter les dangers que peuvent induire des produits contrefaits de mauvaise qualité qui ont été déversés sur le marché gambien. 


Article produit conjointement par Togocheck et Niger Verif, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) dans le cadre d’un projet de jumelage entre initiatives francophones dans la lutte contre la désinformation.

Total
0
Shares
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et le GooglePolitique de confidentialité etConditions d'utilisation appliquer.

The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.

Related Posts
Read More

Le pissenlit ne traite pas le diabète mais peut aider à contrôler la glycémie

Il est, en effet, reconnu au pissenlit la capacité de diminuer le taux de sucre dans le sang (la glycémie). Mais, il ne peut pas guérir le diabète, puisqu’à ce jour, il s’agit d’une maladie incurable. La meilleure option pour la prise en charge de son diabète demeure de se référer à un spécialiste, et ce, même si on veut consommer le pissenlit pour y apporter une contribution. De plus, le laboratoire béninois URMAPHA, est dirigé par Docteur Dougnon Tamègnon Victorien et non Docteur Eric Agbodjento.