Faux, la CEDEAO n’impose pas de visa aux ressortissants des pays de l’AES 

Aucune décision du genre n’a été prise durant la session comme l’affirme l’auteur de la vidéo.

Depuis quelques jours circule sur les réseaux sociaux une vidéo selon laquelle, les ressortissants des pays de l’AES (Alliance des Etats du Sahel) vont devoir prendre un visa avant de se rendre dans les pays de la CEDEAO. Selon l’auteur, la décision prise par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest prend effet à partir de février 2025. Mais cette affirmation est erronée. 

La vidéo de 3 min 50 a été publiée le 7 juillet 2024 par le compte nommé Monsieur Vaho sur Tiktok. L’auteur explique que le visa sera désormais imposé aux pays de l’AES à compter de février 2025. 

Capture d’écran de la vidéo publiée sur Tiktok

“Aujourd’hui, il y a eu le sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO. Et donc, il y a eu un communiqué final qui dit que désormais, les trois pays de l’AES, ceux qui ont décidé de quitter notre organisation sous-régionale, à partir du mois de février, donc ils ont encore six mois, tous leurs ressortissants devront désormais se conformer à une demande de visa s’ils doivent se rendre dans des pays membres de la CEDEAO…”, a déclaré l’auteur. Il ajoute que tous les ressortissants des pays de l’AES devront aussi se conformer à une demande de carte de séjour pour continuer à résider sur le territoire de ces pays.  

Dans sa vidéo, l’auteur a fait un collage avec une vidéo où le président de la commission de la CEDEAO, Dr Omar Alieu Touray, semble confirmer ses propos. 

La vidéo totalise 273 200 vues, 15 000 j’aime, 3 577 commentaires et 1 704 partages à la date du 4 octobre 2024.   

Vérification 

L’auteur de la publication a été contacté le 27 septembre 2024, sans réponse. 

Un tour sur le site internet  de la CEDEAO ne nous a pas permis de retrouver la publication faisant cas de l’exigence d’un visa imposé aux ressortissants de l’AES.

Une recherche par mots clés nous a dirigé vers un article publié le 8 juillet 2024 par la radio internationale allemande  Deutsche Welle (DW).  L’article a pour titre: “La Cédéao envisage des visas pour les pays de l’AES”.

Capture d’écran de l’article de la DW

Le texte souligne que la tension entre la Cédéao et les trois pays de l’AES pourrait se solder par une suspension de la libre-circulation dans la sous-région pour leurs ressortissants. L’article ajoute que les ressortissants des pays de l’AES pourraient devoir obtenir des visas pour voyager dans la région.

“Pour la Cédéao, et au vu de l’article 91 de son traité, ces trois  pays sont encore membres de la Cédéao. Donc, le président de la Commission de la Cédéao (Omar Alieu Touray, ndlr) s’exprimait au conditionnel. Pour prouver cela, ils ont désigné le président sénégalais (Bassirou Diomaye Faye) comme médiateur de la Cédéao auprès du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Donc, ce n’est pas encore consommé au niveau de la Cédéao. Mais, c’est sûr que si le retrait devrait être effectif au 28 janvier 2025,il y aura les conséquences dont il parlait (Omar Touré)”, a expliqué l’enseignant-chercheur à l’Université Lansana Conté de Conakry et conseiller au bureau régional de l’Institut d’études de sécurité (ISS), Issaka Souaré. 

Une autre recherche par mots clés nous a permis de retrouver le discours du président de la commission de la CEDEAO. Il a été prononcé le 7 juillet 2024 à la cérémonie d’ouverture de la 65eme Session Ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CÉDÉAO. La vidéo a été partagée sur les réseaux sociaux de la commission de la CEDEAO, notamment Facebook et Youtube le 8 juillet 2024. 

Capture d’écran de la publication sur Youtube

Dans sa déclaration, Dr Omar Alieu Touray a rappelé que le retrait des trois pays, notamment le Mali, le Niger et le Burkina Faso, portera un coup dur à la coopération en matière de sécurité. “Ce retrait affectera également les conditions de voyage et d’immigration des citoyens de ces trois pays, car ils auront désormais à mener des démarches en vue de l’obtention d’un visa avant de voyager dans la sous-région. Les citoyens de ces pays pourraient ne plus être en mesure de résider ou de créer librement des entreprises dans le cadre des facilités mises en place par la CEDEAO et pourraient être soumis à diverses lois nationales. Ainsi ces trois pays vont devoir cesser d’utiliser le passeport de la CEDEAO, la carte d’identité nationale biométrique de la CEDEAO et l’assurance automobile carte brune de la CEDEAO à l’échelle régionale”, a-t-il déclaré. 

Ainsi, dans son intervention, le président de la commission de la CEDEAO est plutôt revenu sur les conséquences du retrait des trois pays de la CEDEAO. Il n’a pas indiqué que les ressortissants des pays de l’AES doivent obligatoirement avoir un visa avant de se rendre dans les pays de la CEDEAO.   

Une information démentie par plusieurs médias

Le site d’information Afrik.com est revenu sur cette information dans un article publié 9 juillet 2024. Le média souligne que les propos du président de la commission de la CEDEAO ont été mal interprétés et déformés. Il ajoute que le président parlait des conséquences éventuelles du retrait des pays de l’AES de la CEDEAO, qui ne prendra effet qu’en février 2025.    

Pour sa part, le site multimédia malien Le Jalon a relevé que conformément à l’article 91 du Traité révisé de la CEDEAO de 1993, ces mesures pourraient automatiquement entrer en vigueur.

Et ceci après l’expiration du délai d’un an prévu pour l’effectivité du retrait d’un Etat membre de l’organisation. Sur cette base, le retrait des trois pays de la CEDEAO sera effectif le 28 janvier 2025. Car ces trois pays ont notifié leur décision de retrait au Secrétariat Exécutif le 29 janvier 2023. 

La Nation Bénin ajoute que nulle part dans le communiqué final de la 65e session ordinaire, la Cedeao n’a fait mention de l’instauration d’un visa pour les ressortissants des pays membres de l’AES. Pour le site web d’informations générales Actu Niger, il s’agit d’un cas de figure évoqué par le président de la commission de la CEDEAO. Dr Omar Alieu Touray a relevé l’impact potentiel du retrait des États de l’AES de l’organisation sur la libre circulation des personnes et des biens. 

En conclusion, lors de la cérémonie d’ouverture de la 65ème session ordinaire de la CEDEAO, le président de la commission a évoqué les risques ou conséquences que peut entraîner le retrait des 3 pays de l’AES de la CEDEAO. Cependant, aucune décision du genre n’a été prise durant la session comme l’affirme l’auteur de la vidéo. L’information qui circule sur les réseaux sociaux est mal interprétée. Cette affirmation est donc trompeuse.

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