Le vaccin antipaludique RTS,S cause de paludisme cérébral et de méningite? Pas de certitude!  

Les allégations de l’activiste Egountchi Béhanzin selon lesquelles le vaccin antipaludique RTS,S ou Mosquirix est inefficace et mortel ne sont basées sur aucune preuve.

Un message de l’activiste Egountchi Behanzin publié le 24 novembre 2023 sur Telegram et relayé plusieurs fois dans des groupes Whatsapp prétend que le vaccin antipaludique RTS,S cause le paludisme cérébral et la méningite surtout chez les jeunes filles vaccinées. “Pour les effets connus et dénoncés par les chercheurs et médecins indépendants, il y a le paludisme cérébral et la méningite, surtout chez les jeunes filles vaccinées… De plus, il convient de noter que ce vaccin a été créé en 2021 et qu’une période de 10 ans est nécessaire pour valider la sécurité de l’injection.

Pourtant, nous observons que cette exigence dans la recherche et la fabrication de médicaments n’est pas respectée, car l’OMS et GAVI ont validé le vaccin avant même la fin des recherches et accélèrent une campagne de vaccination étendue en Afrique, après l’avoir testé sur des pays cobayes tels que le Ghana, le Kenya, le Malawi, etc..”. 

Capture d’écran de la publication de l’activiste

Mais d’après les recoupements faits par notre rédaction , ces propos de l’activiste contre le vaccin RTS,S sont erronés et infondés. Le vaccin RTS/S n’a pas été fabriqué en 2021; il a été autorisé par les autorités sanitaires et aucun lien de cause à effet entre ce vaccin et les cas de paludisme cérébral, de méningite ou encore de décès n’a été à ce jour établi, bien que les études et surveillances se poursuivent. Les pays ayant expérimenté le RTS/S parlent plutôt d’impact positif.

Le vaccin RTS,S ou Mosquirix fabriqué en 2021? Faux!     

Le vaccin Mosquirix, encore appelé RTS, a été élaboré  par des chercheurs de la firme pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK) depuis 1987. Il est développé en collaboration avec l’organisation humanitaire PATH qui milite pour accélérer une équité en santé pour toutes les communautés. Le vaccin vise à lutter contre le paludisme causé par le parasite Plasmodium falciparum, la forme la plus fréquente et la plus sévère de la maladie. 

Destiné aux enfants de 5 à 24 mois, le Mosquirix nécessite quatre doses;  en octobre 2021, l’OMS a recommandé le premier vaccin antipaludique pour utilisation à grande échelle chez les enfants.

Il n’est en revanche pas efficace contre d’autres types de Plasmodia, par exemple Plasmodium vivax, le parasite responsable de la plupart des cas de malaria en dehors de l’Afrique sub-Saharienne, comme l’explique (ici) GAVI, l’Alliance du Vaccin.

Des essais concluants et des résultats satisfaisants

Le Mosquirix, qui a reçu le 23 juillet 2015 un avis positif de l’Agence européenne du médicament (EMA), a déjà fait l’objet d’un essai à grande échelle, dit de « phase 3 », mené dans sept pays africains (Burkina Faso, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique et Tanzanie);  les résultats de cet essai ont été publiés en avril 2015 par la revue scientifique The Lancet qui conclut que ce vaccin a le potentiel d’apporter une contribution substantielle à la lutte contre le paludisme lorsqu’il est utilisé en combinaison avec d’autres mesures de contrôle efficaces, en particulier dans les zones de forte transmission.

Aussi, le 4 janvier 2022 un article de National library of Medecine, a livré des résultats concluants de plusieurs essais vaccinaux de phase II et III qui ont été menés dans des zones d’endémie au cours des 15 dernières années et les résultats ont systématiquement indiqué que la vaccination des enfants âgés de 6 à 12 semaines et de 5 à 7 mois induit une immunité protectrice qui neutralise l’infection sporozoïtique ou atténue la gravité clinique de l’infection.

Capture d’écran de l’article de National library of Medecine

Selon l’OMS, ces programmes pilotes d’introduction du vaccin dans ces pays ont permis une réduction substantielle des formes graves et mortelles du paludisme et une baisse de la mortalité de l’enfant.

 “Le premier vaccin antipaludique est sûr et efficace et, quand il sera administré à grande échelle, il pourrait sauver des dizaines de milliers de vies chaque année”, a ajouté l’organisation onusienne. 

Depuis 2019, près de 1,7 million d’enfants ont au moins reçu une dose du vaccin. Plus de 4,5 millions de doses ont été administrées dans le cadre des programmes de vaccination systématique mis en place par les pays. 

Contrairement aux affirmations d’Egountchi BEHANZIN, le vaccin RTS/S reçoit plutôt des avis positifs quant à son efficacité et sa contribution à la réduction des formes graves du paludisme.

Interrogé par notre rédaction sur le sujet, l’administrateur du programme élargi de vaccination au bureau de l’OMS au Togo, Docteur Dadja LANDOH rejette les affirmations de l’activiste qui selon lui ne reposent sur aucun fondement: “les différentes phases de test ont montré que le vaccin RTS/S offre une réelle protection contre les formes graves du paludisme chez l’enfant. Ce vaccin vient en complément à l’ensemble des mesures de prévention déjà existantes telles que les traitements antipaludéens, l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide.” 

Parlant des cas de méningite et de paludisme cérébral cités par l’auteur de la publication, Docteur LANDOH déclare que même si lors des essais cliniques, ces cas ont été signalés, aucun lien de cause à effet n’a été établi entre ces maladies et le vaccin RTS. Il précise que la surveillance se poursuit à ce jour dans le cadre de la pharmacovigilance. 

Concernant le déséquilibre dans la mortalité féminine lors de l’essai de phase 3, les autorités nationales de réglementation et l’Agence européenne des médicaments (EMA) ont conclu que “les informations étaient insuffisantes pour qualifier cette observation de « risque potentiel » (selon la classification officielle de l’EMA) et qu’il s’agissait probablement d’une observation fortuite, mais qu’il convenait de surveiller cet aspect lors de la mise en place du vaccin”.

Et l’EMA précise que tous les signaux apparus au cours de la phase des essais cliniques continueront d’être surveillés étroitement au cours de l’introduction plus large du vaccin.

“ Les résultats vont au-delà des espérances. On ne s’attendait pas à un impact aussi important. Le vaccin permet une réduction de l’ordre de 70 % des formes sévères et de 73 % des décès si on le combine avec la chimio-prévention. C’est extraordinaire, on n’a pas eu de progrès aussi importants en vingt ans de lutte. Malgré tous les outils que nous avons largement déployés – le CTA [combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine], les moustiquaires imprégnées d’insecticides, la CPS –, le paludisme continue à être la première cause d’hospitalisation et de décès des enfants en Afrique. Selon les résultats que nous venons de produire, cela ne sera plus le cas grâce à ce vaccin ”, a déclaré le Professeur Alassane Dicko, qui a dirigé les tests au Mali, dans un article publié par Jeune Afrique le 12 octobre 2021.

Au Kenya où les premiers vaccins ont été reçus en 2019, les autorités du pays suite à la baisse considérable des hospitalisations des enfants de moins de cinq ans ont décidé d’étendre la distribution à plusieurs communautés dans les zones pilotes et l’introduction progressive dans tout le pays. 

D’après les estimations, le vaccin sauve une vie pour 200 enfants vaccinés. Selon l’OMS, un vaste essai de phase 3 (2009-2014) du vaccin antipaludique RTS,S dans des régions où la transmission du paludisme est modérée à élevée a montré que les cas de paludisme avaient chuté de plus de la moitié au cours de la première année suivant la vaccination et de 40 % au cours des 4 années de suivi. Un autre essai (2017-2020) d’inoculation du vaccin effectué avant la haute saison palustre dans les zones où la transmission du paludisme est fortement saisonnière a révélé une efficacité similaire à celle de la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS), qui a permis de prévenir environ 75 % des cas de paludisme,  précise l’agence. 

Le Paludisme, une maladie potentiellement mortelle  

Le paludisme est une maladie potentiellement mortelle causée par un parasite du genre Plasmodium qui se transmet à l’homme par la piqûre de l’anophèle femelle du moustique. En 2021, près de la moitié de la population mondiale était exposée au risque de paludisme. Le nombre de cas de paludisme dans le monde était estimé à 247 millions la même année. En 2021, le nombre estimé de décès imputables à la maladie était de 619 000. 

“ La Région africaine de l’OMS supporte une part importante et disproportionnée de la charge mondiale du paludisme. En 2021, 95 % des cas de paludisme et 96 % des décès dus à la maladie ont été enregistrés dans cette Région. Les enfants de moins de 5 ans représentaient 80 % environ des décès dus au paludisme dans la Région ”, indique l’Organisation mondiale de la santé. 

La fièvre, les maux de tête et les frissons sont les premiers symptômes les plus courants du paludisme. Selon l’OMS, les symptômes commencent généralement dans les 10 à 15 jours suivant la piqûre d’un moustique infecté. Certains types de paludisme peuvent entraîner une maladie grave et causer la mort. Les personnes qui courent un risque plus élevé sont les nourrissons, les enfants de moins de 5 ans, les femmes enceintes, les voyageurs et les personnes vivant avec le VIH ou le sida. Parmi les symptômes graves, on retrouve la fatigue extrême et l’épuisement, les troubles de la conscience, les convulsions répétées, des difficultés respiratoires, des urines foncées ou du sang dans les urines, l’ictère (coloration jaune des yeux et de la peau) et des saignements anormaux.

“ Les personnes présentant des symptômes graves doivent être prises en charge immédiatement. Un traitement précoce en cas de paludisme léger peut empêcher l’infection de s’aggraver. Une infestation palustre pendant la grossesse peut en outre provoquer un accouchement prématuré ou une insuffisance pondérale à la naissance”, ajoute l’OMS. 

On peut prévenir le paludisme en évitant les piqûres de moustiques et à travers la prise de médicaments. Pour les voyageurs, il est important de consulter un médecin pour savoir s’il faut prendre les médicaments à titre chimioprophylaxie avant de se rendre dans des régions où sévit la maladie. 

Pour éviter les piqûres de moustiques, il faut utiliser des moustiquaires lorsqu’on dort dans des lieux où le paludisme est présent.  Il faut utiliser des répulsifs contre les moustiques (contenant du DEET, de l’IR3535 ou de l’icaridine) après le crépuscule, utiliser des spirales antimoustiques ou des vaporisateurs, porter des vêtements protecteurs ou placer des écrans anti-insectes sur les fenêtres.

Une campagne de vaccination avec le vaccin RTS,S prévue au Togo

Selon le ministère de la santé, de l’hygiène publique et de l’accès Universel aux soins, le paludisme reste la première cause de morbi-mortalité au Togo. 2 224 558 cas de paludisme ont été signalés en 2022 et plus du tiers chez les enfants de moins de 5 ans, d’après le rapport mondial 2022 sur le paludisme. Le taux de prévalence parasitaire chez les enfants de moins de 5 ans est passé de 36,2% en 2014 à 35,5% en 2020. Quant à la mortalité liée au paludisme, elle a baissé de 17 pour 100 000 habitants en 2019 à 11 pour 100 000 en 2020.

Le Togo met en œuvre plusieurs initiatives pour venir à bout de cette maladie. C’est le cas avec les campagnes de distribution de moustiquaires. En octobre 2023, la cinquième campagne nationale de distribution gratuite de moustiquaires à imprégnation durable, (MID) a permis de distribuer gratuitement des moustiquaires aux ménages. 

En 2022, une campagne de vaccination des enfants de moins de 5 ans a été effectuée au profit des enfants de 3 à 59 mois.  Cette campagne chimio prévention du paludisme saisonnier s’est déroulée dans les régions Centrale, Kara et Savanes et a ciblé 195 000 enfants. 

Les médicaments contre le paludisme simple ou grave et le test rapide sont disponibles gratuitement dans les centres de santé. 

Pour conclure… 

Les allégations de l’activiste Egountchi Béhanzin selon lesquelles le vaccin antipaludique RTS,S ou Mosquirix est inefficace et mortel ne sont basées sur aucune preuve. Le vaccin est approuvé par les autorités sanitaires et à ce jour, son efficacité n’ a pas été remise en cause.

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