Une vidéo de 46 secondes diffusée sur TikTok attribue au président de la République togolaise, Jean-Lucien Savi de Tové, une déclaration ordonnant la libération de l’ex-ministre des armées Marguerite Gnakadé.
Le compte TikTok flash.actualits5 a posté le 5 octobre 2025, une vidéo avec la légende “Jean Lucien appel à la libération de Marguerite Gnakadé”. La vidéo montre des images du président de la République, du Président du Conseil des ministres Faure Essozimna Gnassingbé et de l’ancien ministre des armées Marguerite Gnakadé. Son contenu laisse croire que Jean Lucien Savi de Tové a annoncé la fin des arrestations politiques. Ceci, dans le cadre d’une prétendue mission baptisée “Togo Uni”.

“Voici une nouvelle qui secoue tout le Togo actuellement. Le président de la République son excellence Monsieur Jean Lucien de Tove fait une déclaration qui choque le président du Conseil des ministres, PCM. Un tournant radical est encore, au… oui tu as bien entendu, le président de la république ne pardonne pas les arrestations. Finis les arrestations, les fraudes et face à un Togo libre et transparent. Il passe directement à l’action sans discours inutiles, dans le cadre de sa nouvelle mission baptisée Togo Uni, Jean Lucien vient d’ordonner la libération de l’ex ministre Gnakadé. Voici les premiers signes du grand ménage de Jean Lucien : délégation, restructuration de la politique, suppression des arrestations liées à la politique, et face à un dialogue d’apaisement pour un Togo uni et prospère. Que penses-tu de cette décision? [sic]”
Au 21 octobre 2025, la publication comptait plus de 23 000 vues, 233 mentions « j’aime » et 35 partages. Cependant cette information est infondée. Selon les données disponibles, aucune source officielle ou crédible ne confirme que Jean-Lucien Savi de Tové a ordonné la libération de Marguerite Gnakadé.
Vérifications
La rédaction de Togocheck a joint l’auteur de la publication depuis le 13 octobre 2025 pour en savoir plus sur sa publication mais ce dernier n’a pas réagi.
Un tour sur les canaux officiels de la Présidence de la République togolaise n’ont pas donné de résultats en lien avec l’annonce de la libération de l’ancienne ministre des armées sur ordre du Président de la République. Des recherches avec les mots clés n’ont dirigé vers aucune source médiatique locale ou internationale corroborant de telles affirmations.

Les dernières informations disponibles en ligne sur le Président de la République, Jean-Lucien Kwassi Lanyo Savi de Tové datent du 10 octobre 2025, lorsqu’il a reçu les lettres de créance des ambassadeurs du Vénézuela, de la Norvège et d’Israël.
Des recherches sur la mission ”Togo Uni”, indiquée par l’auteur dans sa vidéo, ont abouti à des comptes de réseaux sociaux et des publications liés à cette dénomination. Selon les recoupements d’informations trouvées en ligne notamment sur les sites internet de médias comme launetogo.tg ou encore mediatopnews.tg , le Mouvement Togo Uni (MTU) est une organisation citoyenne qui œuvre pour l’unité et le développement du Togo. L’organisation d’après mediatopnews.tg travaille en collaboration avec le parti Union pour la République (UNIR), en soutenant les initiatives et programmes dudit parti.
Cependant, nous n’avons trouvé aucune publication en lien avec une supposée mission de ladite organisation relative à la libération de l’ancienne ministre des armées du Togo.
Par ailleurs, en analysant la voix off qui accompagne la vidéo on constate qu’ elle est la même que celle utilisée dans des vidéos trompeuses générées par l’intelligence artificielle et dont plusieurs ont été démontées par notre rédaction.
Arrestation de l’ancienne ministre des armées au Togo
Selon plusieurs sources concordantes, l’ex ministre des armées Marguerite Gnakadè a été arrêtée à son domicile le 17 septembre 2025. Elle est inculpée et placée sous mandat de dépôt pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat, trouble aggravé à l’ordre public et incitation de l’armée à la révolte ».
“Dans un contexte de manifestations critiques du pouvoir à Lomé en juin et juillet, Marguerite Gnakadè, ministre de 2020 à 2022 et belle-sœur du président du conseil, Faure Gnassingbé, avait notamment appelé à la démission de ce dernier. Mme Gnakadè a été « inculpée et placée sous mandat de dépôt. Les charges retenues sont multiples ». Elle est poursuivie pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat, trouble aggravé à l’ordre public et incitation de l’armée à la révolte », a déclaré son avocat, Elom Kpadé”; rapporte Jeune Afrique dans un article publié le 20 septembre 2025.
Dans un communiqué en date du 20 septembre 2025, le procureur de la République togolaise Talaka Mawama a annoncé l’ouverture d’une “information judiciaire “ à l’encontre de Marguerite Gnakade, poursuivie pour des infractions graves:

“Suite à la commission d’agissements réitérés constitutifs d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat imputable à Dame Gnakade Essossimna, une enquête judiciaire a été ouverte. Cette enquête a permis de réunir des indices graves et concordants à l’encontre de la mise en cause justifiant son interpellation le 17 septembre 2025 et son placement en garde à vue.
Dans le cadre des investigations diligentées par la police judiciaire, plusieurs perquisitions ont été effectuées. Au cours de sa garde à vue, elle a délibérément détruit un élément de preuve, afin d’entraver le cours de la justice.
A l’issue de cette enquête qui a permis de conforter les charges initiales recueillies à l’encontre de Dame Gnakade Essossimna, une enquête judiciaire a été ouverte par le Parquet de grande instance, des chefs d’incitation à la révolte contre l’autorité de l’Etat, publication de fausses nouvelles de nature à ébranler la discipline et le moral des armées, troubles aggravés à l’ordre public et entrave au bon fonctionnement de la justice.
Inculpée de ces faits par le juge d’instruction, elle a été placée sous mandat de dépôt. L’information ainsi ouverte sera conduite par le juge d’instruction, en stricte conformité avec le code de procédure pénale”.
Cette arrestation a été dénoncée par des acteurs de la sphère politique qui dénoncent une atteinte à la liberté. Nathaniel Olympio, porte-parole du mouvement d’opposition “Touche pas à ma constitution” a réagi dans un article de la Deutsche Welle publié le 18 septembre 2025:
« L’arrestation de Mme Gnakadé suscite pour nous une grande indignation, parce que cette arrestation est la conséquence des critiques virulentes qu’elle porte contre le régime depuis ces derniers mois. En plus, cette arrestation est complètement illégale parce qu’elle a été faite sans mandat. Mais nous ne sommes pas surpris en réalité, parce que depuis ces dernières semaines, nous assistons à une vague d’arrestations des jeunes, des arrestations préventives« .
RFI dans une parution consacrée au sujet, évoque une « une dérive autoritaire” dénoncée par plusieurs partis dans l’opposition. “L’ANC parle d’une justice instrumentalisée, la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP) évoque une volonté d’intimider toutes les voix critiques et le FDR réclame la libération immédiate de l’ancienne ministre”, mentionne le média dans son article en date du 20 septembre 2025.
Verdict
Les affirmations attribuées au Président de la République togolaise Jean-Lucien Savi de Tové pour une prétendue libération de Marguerite Gnakadé sont fausses. Il n’existe pas de preuve officielle qui soutient cette affirmation.