Une vidéo de 6 min 25 secondes partagée sur les réseaux sociaux laisse croire que la dengue est causée par des moustiques fabriqués et libérés en Afrique par les blancs. Elle soutient aussi que l’Acanthospermum hispidum encore appelé “Deamelassoungo” en Mina (langue parlée au sud Togo) guérit la dengue. Mais cette affirmation est fausse.
La séquence a été publiée sur Tiktok par la page Expédit et santé le 15 juillet 2024.
Elle montre une femme dans une sorte de bureau s’exprimant en Mina. Selon elle, la dengue est une forme de paludisme dont l’agent vecteur est l’anophèle femelle. Elle explique que les occidentaux ont envoyé en Afrique des moustiques artificiels dont les anophèles femelles, qui après piqûre, injectent dans notre corps un virus. Ce dernier se loge directement dans notre foie où il se multiplie. C’est la raison pour laquelle il y a un fort taux de paludisme ces derniers jours. Pour vaincre la maladie, elle propose de prendre une décoction à base de persil et d’acanthospermum hispidum communément appelé en Mina “deamelatsoungo”.
La vidéo a été vue 108 800 fois, commentée par 260 personnes, aimée par 6 843 personnes et partagée 5 334 fois, à la date du 2 août 2024.
L’auteure de la publication a été contactée par la rédaction de Togocheck le 21 juillet 2024 sans aucune réponse.
Qu’est-ce que la dengue ?
Une recherche par mots clés nous a dirigés vers une publication de Santé publique France, mise à jour le 31 juillet 2024. L’Agence nationale de santé publique indique que la dengue est une maladie infectieuse causée par un arbovirus, le virus de la dengue. Ce virus ne se transmet pas par l’anophèle femelle comme le prétend la dame dans sa vidéo. Il se transmet plutôt par des moustiques Aedes : Aedes aegypti et Aedes albopictus (ce dernier est aussi appelé moustique tigre).
Dans la plupart des cas, la maladie est asymptomatique. Elle se manifeste dans sa forme habituelle par une violente fièvre accompagnée de douleurs et d’une éruption cutanée. L’agence précise que rarement, des complications graves et parfois mortelles peuvent survenir. Les piqûres d’Aedes surviennent principalement pendant la journée, avec un pic d’agressivité au lever du jour et au crépuscule. En piquant une personne infectée en phase virémique, le moustique prélève le virus dans son sang. Ce virus va ensuite se multiplier dans le moustique pendant environ 10 jours. Cette étape est appelée phase extrinsèque. A l’issue de cette phase, le moustique peut transmettre le virus et infecter une autre personne. La phase virémique de la dengue commence environ 1 à 2 jours avant le début des signes cliniques. Elle peut durer jusqu’à 7 jours après.
La dengue est une infection virale qui se transmet des moustiques aux humains, fait savoir l’Organisation mondiale de la santé dans une fiche publiée le 23 avril 2024 sur son site internet.
L’OMS ajoute qu’elle se transmet à travers des piqûres de moustiques femelles infectés, principalement de l’espèce Aedes aegypti. D’autres espèces du genre Aedes peuvent également être des vecteurs, mais leur contribution est généralement secondaire par rapport à celle d’Aedes aegypti. La dengue sévit plus dans les climats tropicaux et subtropicaux. Elle touche aujourd’hui environ la moitié de la population mondiale. Quelque 100 à 400 millions d’infections surviennent chaque année.
Dans la majorité des cas, les personnes atteintes de dengue ne présentent pas de symptômes. Mais chez les symptomatiques, elle se manifeste souvent par une forte fièvre, des maux de tête, des courbatures, des nausées et des éruptions cutanées. Les malades guérissent dans la plupart des cas en 1 à 2 semaines.
L’Organisation précise que certaines données démontrent qu’une femme enceinte peut transmettre le virus à son enfant. Mais il semble que cette transmission verticale soit peu fréquente. Le risque dépendra du moment où l’infection par la dengue survient pendant la grossesse. Dans ce cas, l’enfant peut naître prématuré. Il peut présenter une insuffisance pondérale à la naissance ou une détresse fœtale.
La dengue peut être mortelle dans les cas graves. Pour réduire le risque de maladie, il faut éviter les piqûres de moustiques, surtout durant la journée. Il n’existe pas de traitement. La dengue se traite par analgésique, c’est-à-dire avec des médicaments qui préviennent ou diminuent la sensation de douleur.
“Pour la prévention, c’est éviter les piqûres de moustiques. Dans notre environnement, que ça soit professionnel ou domestique, il faut forcément être adepte de l’hygiène. Donc rendre bien propre son environnement, éviter d’avoir de l’eau stagnante, puis il faut nécessairement dormir dans une moustiquaire imprégnée d’insecticide”, a déclaré le directeur préfectoral de la santé du Golfe au Togo, Docteur Agbetiafa Koffi. Il intervenait dans un reportage de la chaîne VOA Afrique diffusé sur Youtube le 18 juillet 2024.
Lien entre l’Acanthospermum hispidum et la dengue
Des recherches avec des mots clés nous ont dirigé vers des publications relatives à l’Acanthospermum hispidum dont parle la femme dans sa vidéo.
Sur le site du Réseau francophone de l’innovation (Finnov), une étude a été réalisée sur cette plante au Togo et publiée le 20 juin 2014.
Selon elle, l’Acanthospermum hispidum est une herbe suffrutescente annuelle à tige poilue. Elle est parfois vivace et forme des petits buissons de 50 cm de haut ou plus, très ramifiée à cime en boule étalée. Ses feuilles de 4,5 cm sur 2 cm, sont sessiles, ovales, obtuses ou courtement et largement acuminées au sommet.
Les résultats de cette étude permettent de suggérer l’utilisation de l’extrait à l’acétate d’éthyle de A. hispidum dans la formulation de divers produits qui pourraient avoir un effet inhibiteur sur M. tuberculosis, l’agent principal de la tuberculose .
Une enquête ethnobotanique a été effectuée dans le district autonome d’Abidjan en Côte-d’Ivoire et publiée par la revue scientifique européenne European Scientific Journal en octobre 2015. Selon elle, l’Acanthospermum hispidum DC appartient à la famille des Asteraceae. L’espèce est répandue dans toutes les régions tropicales. Elle fait partie des mauvaises herbes.
Cette enquête a permis de montrer que la fraction éthanolique 70% de Acanthospermum hispidum possède une activité antifongique plus accentuée sur la croissance in vitro de Candida albicans. Des observations sur la méthode d’extraction employée sont également faites. Cette méthode serait une voie qui permettrait de concentrer les principes actifs et d’améliorer l’activité de l’extrait total aqueux, traditionnellement utilisé contre les dermatoses. L’étude a permis de montrer que l’usage de cette plante à des fins thérapeutique serait sans danger. Son utilisation en milieu traditionnel comme antimicrobien est justifiée.
Mais, nos recherches ne nous ont pas permis de trouver des études montrant un lien entre la dengue et l’Acanthospermum hispidum. Aucune étude n’a prouvé que l’Acanthospermum hispidum peut guérir la dengue.
Cette plante est très utilisée en médecine traditionnelle et d’autres études ont été menées, mais leurs conclusions n’ ont aucun rapport avec la dengue.
Contactée par la rédaction de Togocheck, le médecin chargé du programme VIH-Tuberculose – Hépatites virales au bureau de l’OMS au Togo, Docteur Laconi Yéba Kaaga, affirme que toutes les informations et les mots utilisés par la dame sont faux et hors contexte. Elle insiste sur la différence entre le paludisme et la dengue et précise qu’il n’y a aucune étude qui prouve le remède proposé par la dame.
Lâcher de moustiques au Burkina Faso
Au Burkina Faso, des moustiques génétiquement modifiés ont été lâchés dans la nature le 1ᵉʳ juillet 2019. L’initiative s’inscrit dans le cadre du projet “Target Malaria“. Son objectif est de développer et de partager des nouvelles technologies, durables et économiques, qui permettront de modifier les moustiques et de réduire la transmission du paludisme. Il est piloté par un consortium de plus de 150 chercheurs africains et occidentaux et financé par la Fondation Bill et Melinda Gates.
Le coordonnateur de l’entomologie de terrain pour Target Malaria Burkina Faso, Docteur Franck A. Yao a reconnu, dans un communiqué de presse publié le 10 février 2022, qu’il y a eu un lâcher de moustiques dans ce pays.
« Les objectifs de notre étude étaient de démontrer la capacité d’estimer le taux de survie quotidien de la souche mâle stérile de moustiques, d’évaluer leur capacité à participer à des activités d’essaimage critiques pour la reproduction, d’évaluer leur dispersion dans la zone du lâcher et d’estimer la taille de la population cible au moment du lâcher », a-t-il expliqué.
Par ailleurs, la rédaction de Togocheck avait déjà publié un article sur cette information non avérée selon laquelle les occidentaux ont lâché les moustiques artificiels pour infecter les africains du paludisme.
En clair…
Les affirmations selon lesquelles l’Acanthospermum hispidum guérit la dengue ne sont pas avérées. Aucune étude scientifique ne le prouve. Aussi, des moustiques artificiels n’ont pas été envoyés en Afrique par les Occidentaux pour injecter un virus dans notre corps.