Cette vidéo montrant la fabrication de riz en plastique pour l’Afrique est une INTOX

Il n’y donc pas à ce jour, des preuves suffisantes pour affirmer que du riz en plastique produit en Asie est mis en circulation sur les marchés africains.

D’après une internaute sur Tiktok, du riz fait à base de plastique serait importé et vendu en Afrique. La vidéo, d’une durée de 1 minute 31 secondes publiée le 10 novembre 2022, a été vue plus de 85.000 fois, partagée plus de 2000 fois et on y compte plus de 200 commentaires. (Capture d’écran ci-dessous)

Capture d’écran de la vidéo partagée sur TikTok

Elle montre des personnes plaçant de larges bandes d’une matière plastique dans une machine au bout de laquelle sort un produit fin et blanc semblable à du riz. Dans son commentaire, l’internaute indique que les personnes dans la vidéo sont en train de fabriquer du riz avec du plastique, destiné à la consommation en Afrique. Elle appelle les Africains à cultiver leur propre riz et le consommer.

Mais suite aux recoupements effectués par la rédaction de TOGOCHECK et FGI BÉNIN, cette information qui circule depuis les années 2016 et 2017 est une intox.

Une info datant des années 2016-2017

Une première recherche avec l’outil Search by image en partant de captures d’écran de la vidéo nous permet de retrouver une multitude de publications sur le même sujet.  L’une d’elles (ici) est une enquête des ‘’Observateurs de France 24’’ publiée le 26 juin 2017 sur leur chaîne YouTube et concernant la même vidéo que celle diffusée sur TikTok par l’internaute burkinabé.        

D’après les vérifications du média qui a comparé la machine utilisée dans la vidéo avec plusieurs autres, cette machine sert plutôt à recycler du plastique pour produire du polyéthylène. Les petites particules blanches qui ressemblent à du riz sont en fait des granulés de plastique qui servent pour l’emballage afin de protéger des objets fragiles, concluant ainsi que cette interprétation de la vidéo est une manipulation.

Une autre recherche par mots clés sur Google a permis de déboucher sur un article publié le 21 Décembre 2016 par BBC Afrique News. D’après ledit article, des douaniers nigérians ont saisi 2.5 tonnes de riz en plastique. Martin Patience, le journaliste de la chaîne qui était sur les lieux de la saisie a affirmé que « quand on touche le riz, rien d’anormal ne se remarque. Mais à l’approche du nez, une odeur de produit chimique s’en dégage ».

« Du plastique ne peut pas donner du riz. Il n’y a pas de riz en plastique. Il s’agit d’un riz vieux, qui a des propriétés collantes ou plastiques »              

Docteur Fallou Sarr, Responsable du service céréales et légumineuses de l’Institut de technologie alimentaire (ITA) de Dakar / SENEWEB


Mais le 30 Décembre de la même année, Jeune Afrique revient sur cette information avec un article intitulé « Nigeria : le riz en plastique était en réalité du riz de contrebande ». Une conclusion issue d’un communiqué conjointement publié par les douanes nigérianes et l’Agence nationale pour l’administration et le contrôle des aliments et des médicaments du même pays après analyses du riz incriminé.

Une alerte similaire avait été donnée par le média burkinabé, lefaso.net, dans un article publié le 11 mai 2017 sur son site internet, faisant cas d’une saisie de riz contenant des matières plastiques, auprès d’une consommatrice du nom de Marguerite KARAMA à Ouagadougou.

Plusieurs publications sur le sujet ont été également faites par des médias, en Europe entre autres, durant les années 2017-2018 (ici, ici, ici). Mais, d’après tous ces articles que nous avons consultés, cette information est en réalité une infox.

Riz en plastique : Entre rumeur tenace et démentis formels

Dans une enquête exclusive menée par la journaliste scientifique Valérie Borde sur la fraude alimentaire publiée en Juin 2018, le magazine québécois L’actualité, a affirmé que : « Malgré tous les contrôles menés dans le monde, aucune autorité crédible — ni agence réglementaire, ni chercheur universitaire, ni grande entreprise — n’a jamais trouvé de riz fait de plastique. Certaines vidéos montrent des granules de plastique qui en sont vraiment, mais qui ne sont pas vendues comme du riz. »

Docteur Fallou Sarr, Responsable du service céréales et légumineuses de l’Institut de technologie alimentaire (ITA) de Dakar, explique dans une entrevue publiée sur le média sénégalais Sénéweb, suite à la polémique qui a enflé sur les réseaux sociaux, que « Du plastique ne peut pas donner du riz. Il n’y a pas de riz en plastique. Il s’agit d’un riz vieux, qui a des propriétés collantes ou plastiques parce que tout simplement l’âge du riz conditionne la teneur en sucre. Plus un riz est âgé, plus il a du sucre. Et plus il a du sucre, plus il a un aspect collant. (…) »

Au Togo, aucune alerte portant sur la circulation de riz en plastique n’a été signalée dans le pays à ce jour, d’après Hector Koffi LETAABA, chef division de la prévention de la lutte contre la fraude et du contentieux, au ministère du commerce, de l’industrie et de la consommation locale. Ce dernier précise que des mesures de surveillance sont mises en place pour détecter et saisir les riz avariés ou impropres à la consommation avant leur mise sur le marché.

  

Enfin, selon des spécialistes de la santé, la présence de matières plastiques dans du riz aurait conduit à un nombre significatif d’hospitalisations étant donné que le plastique ne se digère pas ; le consommateur aurait fait la remarque dès le contact avec les dents. C’est ce qu’on peut lire dans un article publié le 16 mai 2017 par le magazine Jeune Afrique sur son site internet.

Par ailleurs, entre 2017 et 2021, certains gouvernements, notamment au Cameroun ou au Sénégal se sont prononcés sur le sujet par divers canaux après des publications relatives au riz dit en plastique (ici, ici, ici). Par exemple, pendant que le Cameroun rassurait sa population sur l’inexistence de ce riz sur le territoire, le Burkina-Faso appelait à la vigilance.

Il n’y donc pas à ce jour, des preuves suffisantes pour affirmer que du riz en plastique produit en Asie est mis en circulation sur les marchés africains.



Article produit conjointement par Togocheck et FGI-Bénin, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) dans le cadre d’un projet de jumelage entre initiatives francophones dans la lutte contre la désinformation.

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