Cette image ne montre pas des victimes de vaccination au Nigéria

La note vocale de 1 min 29 secondes faisant croire que des vaccins ont causé le décès de plusieurs enfants au Nigéria est basée sur de fausses informations. Et l’image associée à ce message est sortie de son contexte


Sur WhatsApp, sont partagés une image montrant des personnes pleurant leurs enfants décédés, associée à un message vocal faisant croire que ces enfants seraient décédés au Nigeria suite à une vaccination. Et pourtant, plusieurs sources consultées montrent que l’image est sortie de son contexte et l’information relayée dans la note vocale est fausse.  

Message vocal et image aux sources différentes 

L’image en question montre une foule d’hommes et de femmes à la peau claire, se lamentant devant des cercueils dans lesquels sont couchées des dépouilles d’enfants. La note vocale quant à elle dure 1 minute 29 secondes. On y entend une voix féminine qui donne l’alerte. Cette dernière affirme être en train de transmettre un message qu’elle a initialement reçu en fon (une langue parlée par des communautés du Nigeria, du Bénin et du Togo), qu’elle a décidé de traduire en mina.

Capture d’écran du message vocal et de l’image relayés dans un groupe sur WhatsApp

D’après elle « (…) une vaccination est en cours et sera administrée à tout le monde dans les jours à venir, et les plus privilégiés sont les apprenants âgés à partir de 13 ans. Ils se rendront à l’église, dans les ateliers dans chaque maison pour faire la vaccination.».  Elle invite les gens « à ne pas se faire vacciner car c’est ce vaccin qui a été injecté aux enfants à l’école et ils en ont perdu la vie et leurs mères en souffrent. Ce sont les blancs qui ont envoyé ce vaccin en Afrique pour réduire la population humaine.»

L’auteure de la note vocale ne donne aucune précision sur son identité, ni sur la source de laquelle provient le message, en dehors de la note vocale en langue fon qu’elle cite. Autant d’indices qui laissent planer un doute sur la fiabilité de son message. Mais des recherches ont montré qu’il n’y a aucun lien entre l’image et ses affirmations. 

Image prises au Sri Lanka en 2006

En observant les personnes montrées dans la photo qui accompagne la note vocale, on peut remarquer qu’elles ne sont pas noires, comme l’est la population nigériane en général. Les personnes montrées sont plutôt de race asiatique, notamment du sud de l’Asie (icici)

L’observation de la photo montre également qu’elle porte la mention “getty images” et la signature “LAKRUWAN WANNIARACHCHI”. Une recherche inversée de l’image via Google Lens a permis de retrouver la photo originale (avec une meilleure résolution et netteté), sur le site internet de la banque d’images américaine, Getty Images (Capture d’écran ci-dessous).

Le cliché a été pris le 16 juin 2006 par le photographe de l’AFP nommé Lakruwan Wanniarachchi comme inscrit sur l’image. Des images similaires en lien avec l’événement reporté dans ces photos sont également présentes sur le site. (ici, ici)

Capture d’écran réalisée sur le site Getty Images. L’image sortie de son contexte y est présente (encerclée en rouge)

La légende de l’image indique qu’il s’agit de l’inhumation, le 16 juin 2006, de 61 victimes d’un attentat à la bombe survenu la veille à Kebitogollewa, dans le centre du Sri Lanka. « Une puissante mine terrestre a ravagé un bus bondé le 15 juin, tuant 64 personnes, dont 15 enfants et 80 autres blessés dans une attaque imputée aux rebelles des Tigres tamouls, qui ont nié toute implication.», lit-on sur le site gettyimages.ca. Des faits qui n’ont rien avoir avec une quelconque vaccination en cours au Nigeria .

Une recherche avec les mots clés a conduit à des publications faites en ligne par des pays (ici), médias et institutions internationales (ici), depuis la date du 15 juin 2006. Parmi ces articles, figure celui du quotidien français Le Monde.

« Au moins 64 personnes ont été tuées, jeudi 15 juin, au Sri Lanka, dans l’attentat le plus meurtrier depuis la signature d’un cessez-le-feu, en février 2002, entre le gouvernement et la rébellion tamoule. (…) Le gouvernement a immédiatement accusé les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE, séparatistes tamouls), mais ces derniers ont fermement démenti toute implication, “condamnant” l’attentat qui a visé un bus transportant des civils.(…)», lit-on dans l’article.

La même recherche avec les mots clés a conduit vers un article du journal irlandais The Irish Times, en date du  1er octobre 2015. Le journal s’est servi d’une autre image du même auteur et en lien avec les mêmes événements du Sri Lanka pour illustrer son article. «Des Sri Lankais en deuil enterrent les cercueils de 61 victimes tuées dans un attentat à la bombe à Kebitogollewa, dans le nord du Sri Lanka, en juin 2006. Photographie : Lakruwan Wanniarachchi/AFP/Getty Images», peut-on lire comme légende de l’image d’illustration. 

Désinformation sur la vaccination contre le papillomavirus au Nigeria

Afin d’établir la véracité des propos tenus sur la campagne de vaccination au Nigeria mentionnée dans le message vocal, nous avons fait une recherche avec les mots clés sur Google. Cette dernière a révélé qu’au Nigeria, une campagne de vaccination contre le virus du papillome humain a été lancée le 24 octobre 2023. L’information a été publiée par différents médias (ici, ici, ici).

D’après l’article publié le 24 octobre par le média d’informations générales, africanews (ici), « Selon le ministre nigérian de la Santé, chaque année dans le pays, au moins 12 000 femmes seraient atteintes par ce type de cancer (ndlr : le cancer du col de l’utérus causé par le VPH), à un stade avancé. En 2020, 8 000 femmes en sont mortes. L’objectif pour les autorités est de vacciner plus de 16 millions de jeunes filles âgées de 9 à 14 ans d’ici fin 2025

Suite à nos recherches, aucune information liée à une vaccination au Nigéria  ayant entraîné des décès d’enfants n’a été retrouvée. Au contraire, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) que cite le média El Païs dans un article publié le 8 novembre 2023, alerte sur la dangerosité du virus du papillome humain qui « (…) a causé au moins 342 000 décès dans le monde en 2020. La majorité des cas de cancer du col de l’utérus sont dus au virus du papillome humain (VPH), l’infection virale la plus courante de l’appareil reproducteur.». Le même média précise également que « environ 8000 Nigérians sont morts de cette cause en 2020, les cas étant détectés lorsqu’ils sont avancés.»

D’après l’OMS, « La vaccination est la meilleure manière de prévenir l’infection à HPV, le cancer du col de l’utérus et d’autres cancers dus à une infection à HPV.». Aussi, l’organisation précise que « Le vaccin ne contient pas de virus vivant ou d’ADN du virus, et ne peut donc pas entraîner de cancer ou d’autres affections liées à un HPV. Le vaccin contre le HPV n’est pas utilisé pour traiter les infections à HPV ou les maladies dues à une infection à HPV, mais pour prévenir le développement d’un cancer.»

En dehors du Nigeria, le Togo fait partie des nombreux pays qui ont introduit la vaccination contre le VPH dans leur programme de vaccination au cours de cette année 2023. Le pays a annoncé la tenue de sa campagne de vaccination du 27 novembre au 1er décembre 2023 au profit des filles de 9 à 14 ans.

Par ailleurs, la rédaction de Togocheck et Niger Vérif a vérifié et démenti (ici) de fausses allégations de l’activiste Egountchi Behanzin, fin octobre 2023, prétextant la dangerosité du vaccin que compte utiliser le Togo dans le cadre de cette vaccination contre le VPH.

En clair, 

La note vocale de 1 min 29 secondes faisant croire que des vaccins ont causé le décès de plusieurs enfants au Nigéria est basée sur de fausses informations. Et l’image associée à ce message est sortie de son contexte, puisqu’elle montre plutôt des événements survenus en 2006 au Sri-Lanka, un pays d’Asie du Sud-Est. 

Total
0
Shares
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et le GooglePolitique de confidentialité etConditions d'utilisation appliquer.

The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.

Related Posts